Marie-France Conus (avec Jean-Louis Escudier),

Sécurité et transformations du système productif : application à l’industrie française du charbon (1817-1988)

Cet article s’inscrit dans la vérification de l’hypothèse du développement des hommes en liaison avec mouvement long de l’économie. Les données relatives au nombre de tués dans l’industrie houillère publiées par la Statistique de l’Industrie Minérale ont été choisies comme mesure des transformations de sécurité minière. Dans les périodes d’extraction intensive, l’accumulation du capital combinée à l’insuffisance du processus innovatif et à une surexploitation des hommes favoriserait le recrudescence des accidents. En revanche, les périodes de dépression seraient favorables à une amélioration de la sécurité. Après l’extraction intensive du premier tiers du XIXe siècle, caractérisée par un très fort taux de dangerosité, dès 1840 le niveau de qualification s’élève et la nature est mieux maîtrisée. L’extension de la production durant le Second Empire remet partiellement en cause ces avancées. Entre 1871 et 1894, le nombre d’accidents mortels diminue et la protection s’organise. Avec le retour à la prospérité économique, la nouvelle structure des forces productives est propice à des accidents dévastateurs telle explosion de Courrières en 1906. Dans la dépression de l’entre-deux-guerres, l’introduction de la mécanisation et de l’électrification améliore la sécurité. L’intensification de la production après 1945 ne s’accompagne plus d’une recrudescence des accidents mortels: désormais savoir, sécurité et développement des hommes sont au cœur de l’efficacité des houillères.

This article aims to validate a hypothetical link between human progress and long-term economic trends. Data concerning the number of miners killed in French coal mines published by the Ministry of Public Works were chosen to measure transformations of mine safety. During periods of intensive output, accidents would increase because of capital accumulation, worker exploitation and lack of innovation. On the contrary, economic depressions favoured advances in safety. After a period of intense mining and high accident levels up to 1840, better training and procedures permitted an improved mastery of natural risk. During the Second Empire (1852-1870), previous safety levels partially regressed due to increased output. Between 1871 and 1894, fatal accidents decreased and social protection appeared. When economic prosperity returned, the new structure of production favoured the occurrence of disasters such as the Courrières explosion of 1906. During the interwar period, depression, mechanisation and electrification improved safety. After 1945, the intensive output was no longer linked to an increase in fatal accidents. Afterwards, knowledge, safety and human progress became fundamental principles of the operation of the coal industry.