Gilles Gleyze,

La gestion des cadres expatriés : le cas de la Régie Renault (1958-1993)

La Régie Renault se lance, à partir de 1958, dans un important programme d’implantations industrielles hors d’Europe, notamment en Amérique Latine. L’une des principales difficultés qu’elle rencontre alors est de constituer un vivier de cadres et ingénieurs de haut niveau capables de créer et d’animer les nouvelles unités à l’étranger.
Renault y parvient en quelques années, en recrutant parmi son personnel de France des cadres ambitieux, désireux de relancer leur carrière et d’accéder plus vite qu’il ne leur est possible en France à des postes de responsabilités.
Cette solution permet à Renault de diriger et développer les nombreuses filiales de production et de vente qu’elle crée en Amérique Latine entre 1958 et le début des années 1970. Néanmoins, elle montre rapidement ses limites. En effet, l’absence de planification des carrière à l’étranger réduit le nombre des candidats au départ et favorise la constitution progressive d’un corps d’expatriés professionnels, qui perdent le contact avec la maison-mère, et qu’il est très difficile de réintégrer à la fin du séjour d’expatriation.
C’est pourquoi, depuis le début des années 1980, le Régie Renault s’efforce de proposer aux cadres et ingénieurs un nouveau type d’expatriation, visant non plus comme autrefois à risquer une aventure pour tenter une promotion extraordinaire, mais à effectuer de courts séjours outre-mer pour leur permettre de se former à la gestion en environnement difficile, enrichir leur C.V. professionnel et augmenter leurs chances de carrière réussie en France.
En s’efforçant aujourd’hui d’imposer l’expatriation comme une étape normale dans une carrière, Renault fait un apprentissage qui doit l’amener à maîtriser l’une des sources de la compétitivité: une gestion rigoureuse des Ressources Humaines au niveau international.

In 1958, the Régie Renault began implementing a large program of industrial investments outside Europe, particularly in Latin America. One of the main problems it has to solve at that moment is how to create a group of high-potential managers and engineers able to launch and manage the new production units abroad. Renault managed to cope with that difficulty in a few years, by hiring among its French line managers ambitious people, eager to improve their career opportunities and reach top management positions faster than it was possible in France. This solution allowed Renault to set up and develop many subsidiaries overseas between 1958 and the early 1970s. Nevertheless, it rapidly became evident that the expatriation policy needed serious improvements. As a matter of fact, there was no career planning for expatriate managers, and the number of volunteers for leaving the home country was very low; this situation led to the creation of a corps of professional expatriates, who lost contact with the mother firm, and could not easily be reintegrated back home. Since the 1980s, Renault has been trying to promote a new form of expatriation, no longer able to offer adventure and extraordinary success stories, but aimed at improving its managers’ self-performance, by offering them short-term work periods abroad in order to train them to management in changing environments, develop their business experience and finally increase their chances of success in France. Today, by trying to promote expatriation as a normal stage of a successful classical career, Renault wants to get a new competitive advantage: an efficient international human resources management.